lundi 4 février 2008

Chapitre LV


Au chant du coq, Markus s'enroule dans une couverture. Attrape un chapeau de paille. Et s’asseoit sur la terrasse. La nuit dernière, il a laissé ses amis à leur émoi. Un taxi l’a ramené. Il a essayé de travailler mais il s’est endormi.
La terre du printemps sèche déjà. Ses arbres végètent mal sous les embruns qui les salent. Sans doute ont-ils été plantés trop près du rivage.
De jolis jardins existent pourtant en bord de mer. Markus devra être humble. Patient. La nature donne les grandes directions et attend. Il suffit d’un geste intelligent pour l’embellir. Un peu d’eau douce. Cela prend des années. Quelle joie ensuite. Markus apprendra.
Il se lève. Il pense à Juliette. Et jette son chapeau à la mer.
— A-t-elle jamais su vivre. Saura-t-elle mourir ? Hier soir, je ne suis pas arrivé à la toucher du bout d’un doigt. A lui dire un mot. L’ai-je seulement souhaité.
« Sa silhouette est restée la même. Elle a dû faire la fortune des chirurgiens esthétiques. Maintenant, elle brade sa libido. Offre son corps retendu à un dernier amant. Elle n’a pas tort. Trajan mérite des égards.


Markus sur sa chaise longue. Depuis l’aube, les avions et les hélicoptères ont repris leurs allées et venues entre l'île et le continent. Le blocus est levé. Les cargos doublent la pointe de la presqu’île.
Comme chaque lundi, ils déposent leur cargaison de yaourts, d’eau minérale. Ils rapatrient les fonctionnaires qui ont assuré leurs six semaines. Les journalistes. Tous les autres. Markus les entend rire, chanter.
Les cargos croisent devant ses rochers. Pâques disparaît. La Pentecôte occupe déjà les esprits. L’île se purifie, redevient secrète. Le coeur en harmonie. L’angélus du matin glisse sur le golfe. Le chien aboie.



Le téléphone sonne.
— Trop tard, dit la voix de Markus dans le répondeur. Je vous confie la maison. Vous trouverez les clés sous la pierre. Si vous ne me croyez pas, levez les yeux au ciel, vous m’apercevrez peut-être.
— Je ne vous crois pas, dit Jabicus. Létitia apporte le déjeuner. Elle ramène votre bateau en caoutchouc. Comme promis. Je la laisse tenir la barre. Ce soir, elle aimerait saluer la lune du haut de vos rochers.
— Dans le noir velours, me dit-elle.
— Une bonne idée, non. Vous devriez déjà nous apercevoir au milieu du golfe. Il faut que nous parlions de vos idées biscornues. A la longue, votre persiflage passe mal. A tant faire, vous finiriez par vous persuader que le Christ, lui aussi, s’est suicidé. Que voulez-vous prouver ? Dans une heure nous accostons.


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