lundi 14 janvier 2008

Chapitre XXVII


La beauté qui ennuie, la gentillesse qui épuise. Les invitations difficilement supportées malgré ses amitiés. Sans compter ses curiosités sur le saint découpé en rondelles. Markus soupire encore.
Dans un certain isolement, celui des îles, en particulier, les gens ont souvent le défaut d’avoir trop de temps à consacrer aux autres. Cela déroute parfois celui qui se fait surprendre.
En plus de ses enfants, Trajan a une jeune soeur, Pauline. Elle aussi a ce pli d’arriver sans prévenir. De ne pas savoir prendre congé. Il y a longtemps que les capucins sont partis. Elle est encore là.
Même assise devant lui, Pauline ressemble à Bonaparte au pont d’Arcole. Une sauterelle en extension. Tandis qu’elle parle, non sans charme, Markus évalue ses chances de séduire ce pruneau sec. Si Létitia n’était pas sous le lit, l’affaire serait quand même délicate à mener.
Markus, en effet, n’apprécie que les impeccables, les ultra-nettes. Les immédiates souriantes. Sur ce plan, tout à l’heure, Létitia était parfaite.
— Du reste, elle a toujours l’air de sortir de son bain.
Pauline préfère parler. Et la poussière d’Arcole lui colle à la peau.
— Après tout, dit Markus, ce coup de revolver sur Trajan, ce n’était pas la fin du monde. Il a eu chaud, mais il peut remercier le ciel. La basketteuse a expié en public. A la mode locale. Maintenant, elle pleure sous les verrous. Vous ne m’avez rien dit que je ne sache déjà. Sauf le mobile. Souriez-moi, au moins une fois, avant de partir.


Pauline ne sourit pas. Elle parle. Et de toute évidence, sans dire l’essentiel. Elle allume cigarette sur cigarette.
Pour Markus, le tabac dresse une nouvelle barrière. L’haleine, les dents. Les doigts jaunis. Et les mains. Il pense que Pauline doit pétrir des briques. Casser des cailloux. Traire ses chèvres dans des fils de fer barbelés.
— Il suffirait pourtant qu’elle desserre un peu les cuisses. Je me sentirais aidé.
Il repense à la basketteuse qui ne portait pas de sous-vêtements. Un gendarme a peut-être tenté une approche. Et laissé, dans l’affaire, un nez ou une mâchoire. Pauline sait sûrement quelque chose.
— Vous êtes toute menue à côté de cette force de la nature. Combien mesure-t-elle ?
— Saviez-vous qu’elle a une soeur jumelle. Un véritable mannequin, celle-là. Aussi grande mais très fine, très jolie.
— Enfin du nouveau !
— A la mort de leurs parents, elles sont venues vivre chez une marraine, pas très loin de chez nous. Trajan n’a pas pu s’empêcher de tourner autour. Bien qu’il ne soit pas plus haut que Napoléon, il a un faible pour les échalas.
« Avec ces deux-là, il était servi. Mais la Catenaccio d’hier n’a pas supporté que sa soeur devienne sa rivale. Ici n’importe qui tue pour moins que cela.
— L’amour, la jalousie ! Et vous, sa petite sœur, êtes-vous amoureuse ? Votre vie semble encore assez mal tracée. Soyez prudente. Je vais aller à l’hôpital consoler et féliciter Trajan.
— Il est rentré ce matin. Ne regardez pas mes ongles. A la maison je m’occupe des animaux et du jardin. Il y a encore des choses que vous devriez savoir, mais puisque vous me chassez… Au téléphone, vous n’avez même pas reconnu ma voix.


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